Ma vie n'a pas commencé d'une manière très conventionnelle. A peine sortie du ventre de ma génitrice que je fus déposée devant un hôpital, emmitouflée dans une couverture épaisse à cause de l'hiver, tout ça dans un carton de petits pois. Oui me voilà reléguée au rang d'une simple boîte de conserve. Un médecin qui passait par là, m'a sauvé vraiment juste à temps avant que je ne meurs d'hypothermie. C'est même lui qui m'a donné le prénom que j'ai depuis. On pourrait se dire que j'ai eu de la chance, mais être sauvée de la mort pour finir dans un orphelinat n'était pas vraiment une alternative où je gagnais au change. Je n'étais pas la pire des pestes et j'étais plutôt une gamine obéissante, sauf que je ne restais jamais bien longtemps dans une famille d'accueil. La raison étant plutôt simple, ce n'était pas ma famille. La mienne n'avait pas voulu de moi, je ne vois pas pourquoi on devrait m'en imposer une. Alors je revenais inlassablement à l'orphelinat. 12 fois en tout. En 14 ans d'existence c'est plutôt un record. Et si à 14 ans on a arrêté de me placer, la raison était simple, je m'étais enfuie de l'orphelinat. Je ne voulais plus rester enfermée là bas à attendre mes 18 ans pour me barrer de ce lieu qui me retenait. Mon rêve était déjà défini et assez ambitieux, je voulais entrer dans l'armée. Sauf que je devais attendre d'être majeure pour ça, sinon avoir une dérogation d'un tuteur. Ce que je n'avais pas vraiment. Alors je me servais d'une fausse carte d'identité, achetée dans la rue et payée avec mes maigres économies, pour travailler. J'alternais entre les boulots de serveuses ou dans les bar le soir avant de rentrer dans un refuge pour la nuit. Je changeais sans cesse de lieu ne voulant pas qu'on me retrouve. J'étais déjà grande pour mon âge, ce qui était un avantage considérable pour passer pour plus âgée.

Une après midi durant lequel je travaillais en temps que serveuse dans un resto sur le bord d'une route, un homme accompagné de sa petite fille sont entrés pour y manger. Je ne sais comment, mais il a su que je n'étais pas majeure. Il ne m'a pas menacé, au contraire. Il est revenu chaque midi pendant 1 mois pour manger et discuter avec moi. Je me suis livrée à lui naturellement, j'en avais besoin. Je lui ai fait part de mes projets d'avenir, de ce que je voulais faire de ma vie. Alors il m'a proposé un marché. Il voulait m'adopter pour me donner l'autorisation à mes 17 ans de m'engager dans l'armée. Bien évidemment j'acceptais. Pour une fois on me demandait mon avis, on voulait savoir ce que je voulais faire, ce que je pensais, ce que j'espérais. C'est comme ça que j'eus enfin un nom officiel et pas ceux que je m'inventais depuis des mois. Me voici devenue Alexis Heaven. J'étais un peu réticente au début mais ils ont su m'apprivoiser. Je protégeais cette petite princesse comme ci c'était ma vraie sœur et je respectais cet homme comme un père. Même si je l'appelais Monsieur. Je m'étais vraiment intégrée, j’avais trouvé une famille. Si bien que la veille de mes 17 ans, je me retrouvais dans un cruel dilemme. Avais-je toujours envie de m'engager ou non. Mais je ne voulais pas être un poids pour cette famille qui m'avait si gentiment proposé son aide. Donc le 12 octobre 2003, après un repas d'anniversaire riche en émotions, je me rendis dans un bureau de recrutement avec ce sésame signé par M. Heaven.

Je rentrais dès que possible pour les voir, leur envoyais des lettres dès que je le pouvais et étais ravie lorsque j'avais du courrier. L'armée n'est pas en endroit facile, mais je savais à quoi m'attendre. J'étais déterminée et excellais dans ce que je faisais. Durant quatre ans je grandissais, je m'épanouissais sur le terrain comme jamais. Jusqu'à cette lettre que je reçue pour me dire que mon sauveur était mourant. Malheureusement je n'eus pas le temps de rentrer pour lui dire au revoir et c'est peut être le plus grand regret de ma vie. J'avais 21 ans et me voilà responsable de ma sœur adoptive, devenant à mon tour son tuteur légal. M. Heaven n'avait pas d'autre famille à part nous deux, sa femme étant morte très jeune. Alors je lâchais l'armée, prête à accepter cette responsabilité. Il était hors de question qu'elle finisse dans un orphelinat comme moi. M. Heaven avait pris soin de me léguer sa petite maison, sa voiture et les maigres économies qu'il avait. Assez pour survivre quelques mois, le temps que je règle tout mes papiers. Dès lors, je me trouvais un boulot plus stable, me faisant engager comme femme de chambre pour une chaîne d'hôtel miteux. Ce n'était pas exceptionnel mais ça me permettait de subvenir à nos besoins. Je faisais bien mon boulot, si bien que je gravissais les échelons pour fini par travailler dans un hôtel de luxe. Je n'étais toujours que femme de chambre mais un peu mieux payée. Et c'était assez pour moi. Du moment qu'on ait de quoi manger et un toit pour vivre c'était l'essentiel. J'avais même accepté 3 autres colocataires chez nous, deux chatons que j'avais trouvé dans les poubelles de l'hôtel et un chien errant récupéré lorsque je rentrais tard un soir. Oui on avait reconstruit notre famille à nous. Tout se passait bien et peut être que ça allait encore s'améliorer.