She shouldn't be alone

Alexis & Saoirse

Sourire. Sourire jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ne plus sentir mes pommettes suite à cet exercice épuisant qui consiste à étirer mes lèvres inlassablement. Sans répit. Et cela me fatigue. Je suis loin d’être une misanthrope je suis tout bonnement le contraire. Mes camarades m’ont proclamé la bonne humeur en personne. Rares sont les moments où mon visage se défigure dans une expression de pur énervement. Même quand cela arrive, mon état d’âme n’est jamais communicatif, sachant garder mes émotions bien enfouies dans mon être. Mais ce soir, un certain accablement surgit de mes entrailles et assassine mon envie de faire la fête. La raison s’appelle Cassandra. Ma grande sœur avait passé la nuit chez moi. J’étais extrêmement heureuse de pouvoir passer du temps avec elle et apprécier ces petits moments de complicité qu’elle m’offre. Sauf qu’au petit matin, elle avait trouvé judicieux de m’engueuler juste pour l’envie de me voir triste. J’avais passé mon jour de congé à préparer la soirée caritative afin d’oublier mes petites emmerdes. Jusqu’à une heure tardive, je suis arrivée à tout canaliser. Tout absorber silencieusement, trouvant refuge dans les discours donnés par ses femmes battues. Je suis peut-être affectée par le comportement de ma sœur mais le vécu de mes congénères arrive à me sortir de ma bulle déprimée et me donner du réconfort ; je peux leur donner le sourire grâce à ma présence ainsi que mon aide financière. Les voir aussi fortes à parler de leur expérience me fait un drôle d’effet. Je me dis que mon histoire avec ma sœur est bien minime face à leurs propres malheurs. Je me baffe mentalement afin de me concentrer et me donner du courage à suivre le reste des discours.

Un verre  à la main à peine entamé, je souris à quelques invités avant de commencer de leur expliquer le but de cette association dont je suis la marraine. Elle me tient énormément à cœur et j’essaie de trouver les mots corrects afin de les toucher et récolter ainsi leur soutien. Lorsque les invités commencent petit à petit à quitter le grand hôtel où la soirée avait été organisée, mon téléphone commence à vibrer ; Hannah. Je m’excuse auprès de quelques personnes afin de sortir et décrocher le téléphone. Hannah est une jeune mère célibataire anciennement alcoolique. Je l’avais rencontré il y a quelques mois lors d’une soirée similaire et depuis ce jour, je lui avais chaudement demandé de m’appeler dès qu’elle sentait l’envie de replonger dans la bouteille. J’ignore combien de minutes je suis restée appuyée contre un mur, le téléphone collé à mon oreille. Je sais juste que vers la fin de l’appel, ma gorge était sèche et une envie de m’hydrater se fait urgente. Lorsque mon corps se décolle de son appui, une silhouette s’affiche dans mon champ de vision. Je ne l’avais pas remarqué, tellement concentrée à aider Hannah. « Bonsoir. » Dis-je d’une manière courtoise. Je pouvais parfaitement la laisser là seule avec sa cigarette et rejoindre le reste des organisateurs mais quelque chose me supplie de rester et de poser une question. Une petite question. « Est-ce que … ça va ? Tu t’amuse pas ? » Un petit coup d’œil à sa tenue m’informe sur sa profession, elle fait sûrement partie du personnel de l’hôtel. Le téléphone coincé contre ma poitrine, je la regarde intensément. Ma curiosité se manifeste et dieu comme elle peut être pénible des fois.

 She shouldn't be alone

Saoirse & Alexis

 Ces derniers temps j'enchaînais les doubles services et ce un peu trop souvent. A croire que tous mes collègues tombaient malade et surtout que j'étais la seule de disponible. Bon je n'allais pas me plaindre non plus vu que j'étais payé plus dans ce genre de période, mais il fallait que je me ménage un peu aussi. Enfin, même si on avait besoin d'argent, je ne supportais pas devoir être serveuse dans les réceptions de l'hôtel. Mon patron m'avait refilé une tenue trop petite comme à toutes les autres serveuses. Il avait beau nous dire que c'était les seules tenues de dispo, on ne l'avait jamais cru. Tout ça pour qu'on dévoile nos jambes et que nos seins soient complètement étriqués dans ces chemisiers une taille en dessous des nôtres. Déjà que je n'étais pas épaisse, cet accoutrement me faisait paraître rachitique. Et évidemment pour que ce soit parfait, on avait une paire de talons, ou plutôt d'échasses ainsi qu'un gilet noir. Ma soeur s'était payée ma tête la première fois que j'avais essayé ces chaussures et tenté de marcher avec à la maison. Je n'avais pas vraiment l'habitude mais à force de persévérance et de solidification de mes chevilles, je tenais debout durant quelques heures. Et heureusement que j'étais agile avec un plateau, sinon je n'imagine même pas les catastrophes que j'aurai pu causer. Ce soir ne faisait pas exception et je me baladais entre les invités sans me faire remarquer. Le but étant qu'ils remarquent seulement les coupes de champagnes posées sur mon plateau. Mais bon ça n'empêchait pas les hommes de lorgner sur moi et ma tenue. Une machination bien foutue d'ailleurs, ils buvaient à force de s'approcher de moi pour me mâter, devenaient bien vite saouls et pour la plupart prenaient une chambre dans l'hôtel. Oui mon patron était un connard manipulateur par excellence. Il n'avait d'ailleurs pas hésité à me foutre dans les griffes de Nath lorsqu'elle m'avait convoqué pour me proposer son marché. Si on considérait comme un objet qu'on pouvait déplacer à sa guise ? Absolument. Sourire figé et mollets en miettes, je finissais enfin mon service. Après avoir déposé mon plateau au bar et salué mes collègues, je m'accordais 5 minutes de pause pour fumer avant d'aller me changer. Je l'avais bien mérité celle là. « Bonsoir. » entendis-je à côté de moi. Je relevais la tête, expirant la fumée de ma gorge. Je vis une jeune femme accrochée à son téléphone. Je l'avais croisé durant la soirée et il me semble même qu'elle avait parlé devant l'assemblée de porte feuilles ambulants. « Bonsoir. » répondis-je sur le même ton me reconcentrant sur ma cigarette. Ma soirée était finie alors qu'elle espère même pas que j'aille lui chercher un verre. Elle irait user ses talons hors de prix elle même pour ça. « Est-ce que … ça va ? Tu t’amuse pas ? » Je me mis à rire légèrement, toussotant en ayant avalé ma fumée de travers. « Si pour vous s'amuser c'est se trimballer dans une tenue trop petite qui vous écrase les seins à servir des mecs vicieux et leur femmes trop maquillées pour ouvrir les yeux faisant des chèques pour une association ou je ne sais quoi qu'ils ne comprennent même pas, alors oui je m'amuse comme une folle. » A Washington le sarcasme était la seule arme dont je disposais. Et que j'usais assez souvent d'ailleurs.

 She shouldn't be alone

Alexis & Saoirse

Cette femme est … atypique. Ma gentillesse a dicté ma conduite, faisant en sorte de m’intéresser à elle. Son expression dépitée et sa mine fatiguée m’ont interpelé. Et malgré ma propre fatigue, mon humanité reste palpable alors que j’essaie de savoir si tout allait bien pour elle. Lorsqu’elle ouvre enfin les lèvres, mes yeux s’écarquillent doucement et mes ourlets s’étirent lentement dans un semi-sourire. On peut dire qu’elle était réellement énervée de devoir travailler dans une tenue aussi aguicheuse et surtout de servir une bande de richards. Restant droite ayant l’habitude des talons hauts, mon sourire s’élargit un peu plus. « Je suis l’organisatrice de cette soirée. » Mes paroles n’ont pas le but de la mettre mal à l’aise, loin de là. A dire vrai, cette situation m’amuse sans que je comprenne la raison. « Ces gens signent des chèques pour une bonne cause. Enfin, tu trouve qu’aider des femmes battues est une bonne cause ? » Maintenant que la fête est presque terminé, je me permets de venir m’adosser à ses cotés. Son avis m’intéresse sur le sujet.

Je prends une longue inspiration. J’essaie de contrôler le flot de paroles qui veut quitter ma gorge mais je résiste. Mon coté bavard veut se manifester et expliquer les faits à cette jeune femme. « Et … même si cette tenue est petite elle te met en valeur. » Je lui fais un petit clin d’œil non sans m’autoriser un rire. Je suis sincère. Même si les femmes ne m’ont jamais intéressé, sexuellement parlant, je trouve celle-ci un brin trop belle pour être une simple serveuse dans un hôtel Elle a plus le profil d’un mannequin ou d’une femme fatale. Je me mets alors à l’observer, inclinant la tète sur le coté. Je suis tellement chétive à ses cotés avec mon petit un mètre soixante sept. Je ne me fais pas un complexe, j’m’aime comme je suis mais je sais reconnaitre une belle femme et elle, elle l’est. « Tu as sûrement envie de retirer ses talons hauts ? J’te comprends, j’ai exactement le même désir. »