" Et pourquoi... " Ta mère te regarde, elle a l'air totalement blasé. " Keytan, je t'en supplie, va poser ton autre question à papa." Depuis plus d'une trentaine de minutes, tu ne fais que ça, lui poser des questions. Elle en a sûrement marre. Non, rectification, elle en a clairement marre. Vu l'expression de son visage, on ne peut pas se tromper. Tu es dans la cuisine, sur le plan de travail, tu regardes ta mère cuisiner... Et, tu poses des questions, mais ça, on l'a compris. " Mais papa, il travaille ! Il va me dire 'va demander à maman'. '' Tu fais semblant de bouder, ta mère se remet à te regarder. Tu fuis directement son regard parce que si tu la vois, tu vas commencer à rire. " Mais nooon ! " Mais siiii ! " Maman, pourquoi je suis là ? C'est parce qu'il m'a dit ça avant que je vienne. " Elle doit sûrement se demander pourquoi elle a voulu un enfant. Et pourquoi elle m'a eu moi. Ah, la vie. " Donc, tu m'écoutes, maintenant ? " Tu ne fais plus la gueule, t'as un grand sourire aux lèvres, t'es redevenu le petit garçon souriant que tu es habituellement. T'as toujours été têtu, t'as toujours voulu tout savoir et avoir le dernier mot. Tu avais réponse à toutes les questions, d'après les autres, tu répondais comme il fallait et tu n'y allais pas par quatre-chemins.


" Tu t'es bagarré, fils ? " Tu hoches la tête, fièrement. " Pourquoi ? " Tu regardes ton père, tu croises les bras et tu commences à lui expliquer la situation, donc, celle-ci.

Tu entends des pleurs, quelqu'un pleure dans la cours de récréation, mais tu ignores pourquoi. Tu n'aimes pas les pleurs, ça te rend mal, tu es triste de voir et d'entendre les autres pleurer. Plus loin, dans la cour, tu vois un regroupement. Tu te rapproches, au milieu, il y a trois garçons et le petit nouveau. Les trois sauvages sont en train de taper le nouveau. Sympa. Tu bouscules tout le monde pour avoir, toi aussi, ta place dans le milieu. Pourquoi pas, après tout ? Ils savent taper les nouveaux, mais pourquoi pas les gens comme toi ? " Bande d'idiots ! " Tu leur craches ça à la figure. Tu sais que ça va mal se terminer, mais tu t'en fous. Tu penses vraiment ce que tu dis, ce sont des imbéciles finis. Tu cries maintes insultes, insultes que tout le monde balance quand on a huit ans, hein. À la fin, ça s'est fini en baston. Tu as gagné parce que tu avais tes amis. Tes chers amis que tu aimais à la folie. Tu as quand même eu mal. Ils étaient trois, après tout. Les idiots.

" Ils ont été méchants avec lui, j'ai voulu l'aider. Ce n'est pas moi qui ai tapé en premier, je me suis juste défendu. " Tu as le sang chaud, la tête haute. Tu n'aimes pas la violence, mais il faut bien l'utiliser en cas de besoin, non ? Et là, tu en avais besoin. Ils le méritaient. " Je te crois. Maintenant, file à table ! Et pss ! " Il se rapproche doucement de toi et te glisse. " Tu as bien fait, mais ne dit rien à ta mère. " Parce que ta mère s'était l'amour et la paix. Faites l'amour pas la guerre. Pas de violence, des bisous. Oui oui, mais non, tu n'allais pas donner des bisous à ces crétins.


Tu passais la plupart de ton temps avec tes meilleurs amis. Ornella et Julian. Ces deux-là, c'était ton tout. On ne pouvait plus te croiser sans les deux. Julian sans toi, c'était impossible. Et toi, sans Julian, pareil. Et c'était la même chose avec Ornella. Tu les as appréciés, du genre, beaucoup. Tu les admirais. Tu les adorais. Tu les aimais. Les trois mousquetaires, en gros. En fait, c'est un peu le truc du : t'en touches un, t'es mort. Parce que les gens pouvaient toucher aux autres, mais pas à eux. C'était fort entre vous.



Au lycée, t'était ce genre de gars populaire, sportif, blagueur, souriant et qui déconne toute la journée. Celui, qui, malgré tout, foutait quelque chose en cours. Celui qui avait des rêves et des ambitions. En fait, t'étais un vrai cliché, mais tu aimais le clicher que tu étais. Ouais, tu t'adorais. Pour toi, tu étais parfait. Mais bon, tu ne le montrais pas à tout le monde. Ou juste un tout petit peu. Clairement prétentieux et égocentrique, mais malgré ça, on t'aimait bien. Le plus parfait des clichés. Les années ont passé et pourtant, tu es toujours ainsi. Ce petit gamin dans ta tête, il ne veut pas partir et ne compte pas partir de si tôt.